Blog de la faculté Des Sciences Juridiques Economiques Et Sociales de MOHAMMEDIA

2017-09-15

HPE CHAP1 : LES PRINCIPAUX COURANTS DE PENSEE ECONOMIQUE

CHAPITRE 1 : LES PRINCIPAUX COURANTS
DE PENSÉE ECONOMIQUE

Le courant classique


L’histoire de la pensée économique permet de mettre en évidence trois principaux courants : le

courant libéral, le courant marxiste et le courant keynésien. Autour de ces trois courants, gravitent
plusieurs théories économiques et écoles de pensée fournissant des explications alternatives aux
problèmes économiques contemporains.
I. LE COURANT LIBERALLe courant libéral se compose de deux branches, l’une classique qui apparaît à la fin du 18 ème
siècle, l’autre néoclassique à la fin du 19 ème siècle. L’économie politique classique est née avec la
société industrielle. La publication en 1776, par Adam Smith, des Recherches sur la nature et les
causes de la richesse des nations, est contemporaine des différents perfectionnements de la machine
à vapeur de Watt, symbolisant le point de départ de la première révolution industrielle. Cette oeuvre
est aussi l’aboutissement d’un long mouvement d’idées au XVIII siècle (siècle des lumières), connu
sous le nom de philosophie de l’ordre naturel, et à la base de l’idéologie du libéralisme économique.
Si 1776 est une date importante pour la science économique moderne, les années 1870-1874 ne le
sont pas moins, car le classicisme légué par Adam Smith évolue grâce à la technique du calcul à la
marge et la théorie de l’utilité. Le terme néoclassiques, parmi lesquels on trouve Carl Menger (Ecole
de Vienne), Léon Walras (Lausanne) et Stanley Jevons (Cambridge), désigne des économistes qui
travaillent dans le champs économique de l’équilibre général indépendamment de leur idéologie
respective (Walras se disait socialiste).
A. Le courant classiqueLe courant classique du 18ème siècle, est caractérisé par une évolution radicale des mentalités, des
valeurs, des techniques et des processus économiques. Il s’agit de ce que l’on appelle la première
révolution industrielle. La puissance économique réside davantage dans la détention de biens de
production que dans la sphère des échanges. C’est en Angleterre, première grande puissance à
l’époque, avec Adam Smith (1723-1790), Thomas Malthus (1766 - 1834), David Ricardo (1772 -
1823) ; puis en France avec Jean Baptiste Say (1767 - 1832) que naît la pensée libérale classique.
Malgré la pluralité de leurs travaux, les auteurs classiques parviennent à forger une analyse qui

repose sur quelques grands principes.
1. Le modèle de l’Homo oeconomicus
Plusieurs postulats sont évoqués par le courant classique :
- L’individualisme des agents économiques
L’individu est un être rationnel, il est le seul capable de juger et de décider ce qui est bon pour lui.
L’interventionnisme de l’Etat, même à but louable, est donc pervers dans ses conséquences. Chaque
individu poursuit son intérêt particulier 2 (utilitarisme) par la maximisation des satisfactions et la
minimisation de l’effort (hédonisme). Ce postulat « smithien » a été précisé par Jeremy Bentham
avec la plus grande netteté.
- L’affirmation de la liberté économique
Dérivé de l’ordre naturel, le modèle de l’homo oeconomicus justifie en retour le libéralisme
économique. La propriété privée des moyens de production est une garantie de la liberté. Le marché
constitue le régulateur le plus efficace de l’activité économique (on parle également de socialisation
par le marché). La recherche de l’intérêt individuel permet de réaliser l’intérêt général car il existe
une main invisible (le marché) qui guide les passions individuelles vers le bien de tous : « NCe
n’est pas le bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons
notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur
humanité, mais à leur égoïsme ; et ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est
toujours de leur avantage » (Smith, 1776, [1991, p. 82]). L’harmonisation des intérêts étant
naturelle, il n’y a dès lors plus aucune raison pour qu’un pouvoir politique -l’Etat - fasse passer
l’intérêt général au dessus de la somme des intérêts privés.
Le rôle de l’Etat selon Von Mises (1983, p 39), est de « garantir le fonctionnement sans heurts de
l’économie de marché contre la fraude et la violence, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays ».
L’Etat doit donc se garder d’intervenir au delà de son domaine naturel (Etat gendarme), d’autant
plus qu’en portant atteinte aux libertés économiques, il engage les hommes sur la route de la
servitude. Les libertés économiques sont le « rempart des autres libertés », déclare Hayek (1947), et
la meilleure garantie des libertés est la propriété privée des moyens de production : « Notre
génération a oublié que la meilleure garantie de la liberté est la propriété privée non seulement
pour ceux qui la possèdent, mais presque autant pour ceux qui n’en ont pas. C’est parce que la
propriété des moyens de production est répartie entre un grand nombre d’hommes agissant
séparément, que personne n’a un pouvoir complet sur nous et que les individus peuvent agir à leur

guise » (Hayek, 1947, p 77-79).
- La permanence de l’équilibre économique
Un système économique conduit par le principe de la liberté économique tend naturellement vers
l’équilibre. Lorsque celui-ci n’est pas réalisé, les prix s’ajustent à la hausse ou à la baisse. La Loi
des débouchés de Jean-baptiste Say stipule que « toute offre crée ses débouchés », c’est-à-dire que
l’offre crée une demande équivalente.
2. L’analyse de la production
L’analyse de la production chez les classiques repose essentiellement sur les 4 piliers suivants : la
division du travail ; la théorie de la valeur ; la loi des débouchés de J-B Say ; la théorie quantitative
de la monnaie.
La division du travail : chez les classiques, le processus de production est la combinaison de
facteurs de production (terre, travail, capital). Plus la spécialisation des tâches, ou encore la division
du travail est poussée, plus le produit obtenu (la combinaison des facteurs de production) sera élevé
(efficace). Dans son ouvrage, « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations »,
Adam Smith introduira la division du travail en s’appuyant sur le célèbre exemple de la manufacture
d’épingles : « Un ouvrier tire le fil à la bobine, un autre le dresse, un troisième coupe la dressée, un
quatrième empointe, un cinquième est employé à émoudre le bout qui doit recevoir la tête. Cette tête
est elle-même l’objet de deux ou trois opérations séparées : la frapper est une besogne
particulière ; blanchir les épingles en est une autre ; c’est même un métier distinct et séparé que de
piquer les papiers et d’y bouter les épingles ; enfin, l’important travail de faire une épingle est
divisé en dix huit opérations distinctes ou environ, lesquelles, dans certaines fabriques, sont
remplies par autant de mains différentes, quoique dans d’autres le même ouvrier en remplisse deux
ou trois » (1776, [1991, p. 72]). La division du travail aurait trois avantages. Premièrement,
l’accroissement de l’habileté de l’ouvrier augmente la quantité de produits qu’il peut réaliser.
Deuxièmement, le gain de temps qui se perd en passant d’un ouvrage à l’autre peut être réutilisé
dans une autre activité. Troisièmement, la division du travail serait à l’origine de l’invention de
toutes les machines propres à abréger et à faciliter le travail.
Par la suite, la division du travail sera à la base de la doctrine du Libre-échange prôné par les
classiques. En effet, Adam Smith souligne, dans le chapitre II des « Recherches sur la nature et les
causes de la richesse des nations », que c’est « la certitude de pouvoir troquer tout le produit de son
travail qui excède sa propre consommation, contre un pareil surplus du produit du travail des
autres qui peut lui être nécessaire, [qui] encourage chaque homme à s’adonner à une occupation
particulière, et à cultiver et perfectionner tout ce qu’il peut avoir de talent et d’intelligence pour
cette espèce de travail » (1776, [1991, p. 83]). Ainsi, puisque c’est la faculté d’échanger qui donne
lieu à la division du travail, l’accroissement de cette dernière sera limité par l’étendue de la faculté
d’échanger, ou, en d’autres termes, par l’étendue du marché.
La théorie de la valeur s’interroge sur la richesse qu’il faut produit. C’est également l’une
des questions les plus controversées du 19ème siècle. On distingue généralement deux écoles, l’école
anglaise basée sur la valeur d’échange, et l’école française basée sur la valeur utilité.
Adam Smith et David Ricardo se sont engagés sur la voie d’une théorie objective de la valeur,
recherchant au delà de la valeur d’usage des biens (subjective et variable d’une situation à une
autre), les fondements d’une valeur d’échange acceptable par tous. Selon Adam Smith, « il s’agit
d’examiner quelles sont les règles que les hommes observent naturellement, en échangeant les
marchandises l’une contre l’autre, ou contre de l’argent. Ces règles déterminent ce qu’on peut
appeler la Valeur relative ou échangeable des marchandises » (1776, [1991, p. 96]). Cette approche
ne concerne que les biens reproductibles. Pour Smith, à l’état primitif, il n’existe qu’un seul facteur
de production, le travail. Le rapport de valeur de deux biens sera alors directement en proportion de
la quantité de travail nécessaire pour les obtenir : « la valeur d’une denrée quelconque pour celui

qui la possède et qui n’entend pas en user ou la consommer lui-même, mais qui a intention del’échanger pour autre chose, est égale à la quantité de travail que cette denrée le met en état
d’acheter ou de commander. Le travail est donc la mesure réelle de la valeur échangeable de toute
marchandise » (1776, [1991, p. 99]) Dans un état plus avancé, il faut tenir compte du profit du
capital et de la rente foncière incorporés dans chaque produit. Ce n’est plus une théorie de la valeur
travail, mais une expression du coût de production. Smith propose cependant de ne pas abandonner
le travail et d’estimer la valeur des biens en termes de travail commandé ou équivalent salarié.
Ricardo rappelle que les quantités proportionnelles de travail nécessaire pour obtenir chaque objet
paraissent être la seule règle d’échange possible. La valeur d’échange se ramène à une quantité de
travail incorporé (travail consacré aux outils et aux machines).
De son côté, J-B Say, suivant une tradition déjà bien établie en France par Turgot (1769) et
Condillac (1776), revient sur la théorie subjective de la valeur, l’utilité. Dans son Traité d’économie
politique, Jean-Baptiste Say précise que « si les hommes attachent de la valeur à une chose, c’est en
raison de ses usages : ce qui est bon à rien, ils n’y mettent aucun prix. Cette faculté qu’ont
certaines choses de pouvoir satisfaire aux divers besoins des hommes, qu’on me permette de la
nommer utilité… La production n’est point création de matière, mais une création d’utilité. Elle ne
se mesure point suivant la longueur, le volume ou le poids du produit, mais suivant l’utilité qu’on
lui a donnée » (1803, [1972, p. 50-51]). Une formulation rigoureuse de l’utilité ne sera donnée qu’à
la fin du 19ème siècle avec l’introduction concomitante de la rareté. La théorie de la valeur serait
alors liée à l’utilité et la rareté d’un bien.
La loi des débouchés de J-B Say souligne que « c’est la production qui ouvre des débouchés
aux produits » (1803, [1972, p. 138]). Par la suite, cette loi a donné lieu à quelques polémiques.
Certains l’ont assimilé au précepte « toute offre crée sa demande » et reproché à l’approche
classique son incapacité à saisir la portée de la demande. Or, Jean-Baptiste Say était tout à fait
conscient de l’importance de la demande. En insistant sur les débouchés, il souhaitait simplement
rappeler que les produits s’échangeaient contre d’autres produits et que la monnaie ne remplissait
« qu’un office passager dans ce double échange » (1803, [1972, p. 140]). Dès lors, l’achat d’un
produit ne pouvait être fait qu’avec la valeur d’un autre produit. Dans ces conditions, « plus les
producteurs sont nombreux et les productions variées, et plus les débouchés sont faciles, variés et
vastes » (ibid).
La théorie quantitative de la monnaie (TQM) rappelle que la monnaie est un voile, elle sert
uniquement à faciliter les transactions économiques. La monnaie est une marchandise comme une
autre, sa seule fonction est de servir d’intermédiaire des échanges. Dans son Traité d’économie
politique, J-B Say note que « la marchandise intermédiaire, qui facilite tous les échanges (la
monnaie), se remplace aisément dans ce cas-là par d’autres moyens connus des négociants, et
bientôt la monnaie afflue, par la raison que la monnaie est une marchandise, et que toute espèce e
marchandise se rend aux lieux où l’on en a besoin » (1803, [1972, p. 139]).
L’équation de la TQM illustre ce phénomène. Elle se présente de la manière suivante : M .v = p. Y
M désigne la masse monétaire ; v, la vitesse de circulation de la monnaie ; p, le niveau général des
prix et Y, les transactions économiques. Considérer que la monnaie est un voile, revient à accepter
le raisonnement suivant : toute hausse de M doit correspondre à une hausse de Y (c’est parce que les
transactions économiques augmentent, que l’on a besoin de plus de monnaie). Si M augmente
indépendamment de Y, alors c’est p qui augmentera (une augmentation de monnaie qui ne
correspond pas à une augmentation des transac
3. La répartition
La question de la répartition du produit concerne les classes, au nombre de trois : les propriétaires

terriens, les capitalistes, les travailleurs. Chaque classe offre une contribution particulière auproduit, un facteur de production propre : la terre, le capital, le travail. Chaque facteur reçoit un
revenu qui lui est propre (et dont la détermination est spécifique) : la rente, le profit, le salaire.
La théorie de la rente est associée à deux apports. Malthus et Smith considèrent que la rente
foncière est considérée comme un don gratuit de la nature récupérée par les propriétaires fonciers en
vertu de leur pouvoir monopole de détention de la terre. De leur côté, Ricardo et Mill introduisent le
principe de la rente différentielle. Comme la terre est limitée, les rendements sont décroissants. On
admet ainsi que les nouvelles terres qui seront mises en chantier, seront de moins en moins fertiles.
La théorie de l’intérêt : les classiques considèrent que le profit et l’intérêt sont assimilables.
Smith avance que le profit est la part de la richesse produite qui revient aux capitalistes. Pour
Ricardo, il s’agit de faire une soustraction entre la valeur créée et la part allant aux salariés pour
assurer leur entretien, la part aux propriétaires fonciers en vertu de la rente différentielle. En fait,
dans l’approche libérale, le profit rémunère le risque de l’entrepreneur et des apporteurs de capitaux.
Le profit d’aujourd’hui est la condition des investissements de demain.
PROFIT (t) INVESTISSEMENTS (t+1) PRODUCTION (t+1) EMPLOI (t+1) SALAIRES (t+1)
La théorie du salaire présente deux versions complémentaires. La première de court terme
s’appuie sur la théorie du fonds des salaires (A. Smith, J-S Mill). La masse salariale (salaire
multiplié par le nombre de travailleurs) est considérée comme prédéterminée par le montant des
capitaux accumulés (épargne) par les capitalistes pour engager le processus de production. Ainsi w
N = S (où w désigne le salaire ; N, le travail et S, l’épargne). La seconde, de long terme, introduit le
salaire naturel (Malthus, Ricardo). Le travail est une marchandise, qui a un coût de production
correspondant au minimum nécessaire à l’entretien de l’ouvrier et de sa famille.