chapitre 2 : la demande de monnaie
Les biens économiques sont de deux sortes :
ceux qui ont une utilité directe (les biens de consommation en général) et ceux
qui procurent un service productif (les biens d’investissement) ou un rendement
pécuniaire (les titres). Chaque bien est demandé en fonction de cette utilité
directe ou de ce service appréciable en termes monétaires. Il est substituable
à d’autres biens et son prix relatif fait partie de l’ensemble des prix. Tous
les marchés de biens sont
interdépendants.
interdépendants.
Qu’en est-il de la monnaie ? La monnaie n’a
pas d’utilité directe et ne procure aucun rendement pécuniaire. Elle a
toutefois une fonction spécifique, celle d’être l’instrument unique de
l’échange, et une propriété, celle d’avoir une valeur stable à court terme ce
qui fait d’elle
un actif non risqué. C’est autour de ces deux points que s’est
organisée la théorie de la demande de monnaie.
1.
Les fondements de la demande de monnaie
On
demande de la monnaie pour des motifs de transaction, de précaution et de
spéculation.
1.1. Motif de transaction
Soit L1, la demande de monnaie pour des motifs de
transaction. Soit un ménage qui dépense régulièrement son revenu. Si le revenu
augmente, la consommation augmente, car la propension marginale à épargner est
nulle. L1 dépend donc du niveau de revenu. L1 est fonction croissante du
revenu. L’encaisse-transaction
d’un individu, ou d’un agent, dépend étroitement de la dimension et de la
périodicité de son revenu ; elle lui permet d’effectuer ses opérations
courantes de dépenses. L’absence de synchronisation entre perception du revenu
et dépense du revenu oblige les agents à détenir une encaisse. La détention
d’une encaisse est justifiée aussi par les coûts de transactions que peut subir
un agent s’il décide de conserver son pouvoir d’achat sous forme de titres tout
en convertissant ces titres au cas de besoin de monnaie. Les coûts de
transaction seront dans certains cas plus importants que les intérêts perçus
sur ces titres.
1.2. Motif de précaution
Ce motif répond à un souci de prévention de certains
besoins. L’encaisse-précaution
est aussi une encaisse de sécurité qui doit permettre de faire face à des
pertes momentanées de revenus et/ ou à des dépenses secondaires et impératives.
1.3. Motif de spéculation
Lorsque le cours des titres est élevé, certains
agents ont tendance à différer le placement de leurs liquidités. La demande
spéculative varie en sens inverse de taux d’intérêt
Ceci
nous permet d’introduire la notion de préférence pour la liquidité qui décrit simplement que les agents auront
tendance à détenir plus d’espèces liquides lorsque les taux d’intérêt sont bas,
et moins d’espèces liquides lorsqu’ils sont élevés.
Le taux d’intérêt représente le coût d’opportunité de la détention
d’avoirs monétaires non porteurs d’intérêt. La hausse des taux réduit la
quantité demandée de monnaie, d’où la pente négative de cette courbe. Plus le
taux d’intérêt est élevé, plus la demande de monnaie baisse (fonction
décroissante).
2. L’interprétation de la demande de monnaie selon la théorie
keynésienne.
Dans la
théorie keynésienne, la demande de monnaie (c'est-à-dire la détention
d’encaisse liquide) ne dépend pas uniquement du motif de transaction. Keynes
désigne la demande de monnaie par le terme « préférence pour la
liquidité », et affirme que celle-ci résulte de trois motifs :
spéculation, précaution et transaction.
Cette
préférence pour la liquidité infirme la loi des débouchés de Say « l’offre
crée la demande » et « les produits s’échangent contre les
produits », car la préférence pour la liquidité a un effet d’éviction sur
la demande et sur le volume de transactions.
2.1. La demande de monnaie pour motif de transactions
Le motif de transaction répond à la nécessité de
conserver de la monnaie pour combler l’intervalle de temps qui sépare
éventuellement les opérations d’encaissement et de décaissement, effectuées
pour la dépense de revenu de l’ensemble des agents et pour les dépenses de
production pour les professionnels. Le motif de revenu décide de la somme de
monnaie conservée entre le moment où le revenu est encaissé et le moment des
dépenses.
2.2. La demande de
monnaie pour motif de précautions
La
monnaie est considérée «pour combler l’intervalle entre l’encaissement et le
décaissement de revenu ». Pour les professionnels, la monnaie est demandée
« pour combler l’intervalle entre l’époque où l’on assume les frais
professionnels et celle où on encaisse le produit de la vente »
C’est
le défaut de synchronisation entre la perception des revenus et les dépenses
qui justifie de constituer une encaisse pour faire face aux transactions.
Le
motif de précaution de Keynes jette une passerelle, entre la fonction de
transaction et la fonction de réserve de valeur de la monnaie.
Ce
motif de précautions conduit à la constitution d’une encaisse, dont Keynes
énonce qu’elle dépend comme l’encaisse de transactions, principalement du
montant du revenu.
M1
désignant le montant de monnaie détenu pour satisfaire les motifs de
transactions et de précautions, Keynes écrit : M1=L1(R), où L1 est la
fonction de liquidité qui détermine M1 par rapport au revenu R.
2.3. La demande de monnaie pour motif de spéculation
L’analyse
keynésienne de motif de spéculation a ouvert la voie aux formulations de la
demande de monnaie faisant droit à la fonction de réserve de valeur.
L’aspect
le plus original de l’analyse de la demande de monnaie qu’a proposé Keynes
réside dans la prise en compte d’une « encaisse de spéculation ».
Keynes
met au premier plan le lien entre la monnaie et l’incertitude. Le taux
d’intérêt est, chez Keynes, la variable conventionnelle qui résume toute
l’incertitude inhérente à la vie économique, son niveau à un moment donné, est
incertain.
L’évolution
du taux d’intérêt est incertaine. Ce qui explique la préférence pour la
liquidité de type L2. Cette
préférence justifie la conservation d’un
avoir liquide M2.
Pour
Keynes le taux d’intérêt indemnise les agents économiques pour la renonciation
à la liquidité. Il n’est pas la variable qui équilibre l’offre d’épargne et la
demande d’investissement, il est une variable monétaire.
*Cette
équation est le résultat de la méthode suivante : en recourant à l’analyse
avantage-coûts. Les avantages de la détention d’encaisses sont liés au pouvoir
libératoire de la monnaie, à l’absence de frais de transaction et de
conversion. Le coût principal de la détention de monnaie est la renonciation à
l’intérêt qui résulte de la détention d’un titre de placement. Ainsi, toute
conversion implique un coût de
conversion et la renonciation au taux
d’intérêt.
Les
variations du taux d’intérêt conditionnent la forme de l’épargne que souhaite
l’agent économique (épargne financière : placements rémunérés et épargne
monétaire : détention d’encaisses).
Au sein
de l’épargne monétaire, le montant d’encaisse de spéculation est en liaison inverse avec le niveau et les
variations attendues du taux d’intérêt.
- Si le taux d’intérêt est
élevé, le cours des titres est à bas niveau, et le manque à gagner
( coût
d’opportunité) lié à la détention de monnaie( non rémunérée) est
important : en conséquence,
les agents effectuent des placements, et
l’encaisse de spéculation est au plus bas ;
- Si le taux d’intérêt est
bas ou faible, la demande de monnaie spéculative est forte.
En
désignant par M2, la monnaie demandée pour motif de spéculation, Keynes
écrit :
M2 = L2 (r)
r : représente le taux d’intérêt.
La
demande de monnaie ou fonction de liquidité, s’obtient en additionnant les deux
composantes M1 et M2, qui obéissent à des déterminants distincts :
M = M1 + M2 =
L1(R) + L2( r)
Il est à rappeler que cette explication est devenue en partie caduque par l’introduction
du « motif de finance »présenté dans les articles postérieurs de la « Théorie générale »
3. La demande de monnaie chez les monétaristes
Pour
les monétaristes, un accroissement de l'offre de la monnaie entraîne une
variation
du niveau de prix sans modification de la production ou de l'emploi.
Les prix varient de façon
plus ou moins proportionnelle aux fluctuations de
l'offre de monnaie. Certains monétaristes pensent que, même s'il y a du chômage
et que si l'économie fonctionne en dessous de ses capacités de production, les
hausses de l'offre de monnaie se traduisent toujours sous forme
de fluctuations
dans le niveau des prix.
Pour
expliquer cette conclusion des monétaristes, on prend l'équation des échanges :
MV =
PY
M :
quantité de monnaie en circulation
V :
Vitesse de circulation de la monnaie, c'est-à-dire le nombre de fois qu'une
unité monétaire est utilisée dans une année.
P : le
prix moyen
Y :
montant total des transactions effectuées dans une année, c'est-à-dire
la
production, déduction faite de la variation des stocks.
Les
monétaristes posent l'hypothèse que la vitesse de circulation de la monnaie est constante.
Si on suppose que Y est constant (au niveau de plein emploi par
exemple), une hausse de M se traduit par une augmentation proportionnelle de P.
Cette
équation fournit également une règle simple d'augmentation de l'offre de
monnaie.
Pour que les prix restent stables et que le revenu réel augmente par
exemple de 2%, il faut que l'offre de monnaie croisse de 2% par an. La quantité
de monnaie devrait augmenter proportionnellement aux augmentations de la
production réelle. Cela aurait un effet de stabiliser les prix.
Pour les monétaristes, la demande de monnaie est proportionnelle à la
production nominale (revenu). Elle ne dépend pas du taux d'intérêt. Ils font
l'hypothèse de la courbe de demande
de la monnaie est verticale.
Md =
a Ym
La
demande de monnaie est égale à une constante multipliée par le revenu nominal.
Et étant
donné que la demande est égale à l'offre : Md = Ms
4. La Théorie
quantitative de la monnaie (TQM)
Une
augmentation de l'offre de monnaie fait augmenter proportionnellement la
production nominale globale. Et puisque
Ym = PY , Y étant la production
réelle, par conséquent, si Y est fixé, une hausse de la
production nominale, Ym
entraîne une hausse des prix. Donc si l'offre de monnaie double, la demande de
monnaie doit doubler, mais elle ne peut doubler que si la production nominale
double, or cette dernière ne peut doubler que si le niveau des prix double
Dire
que la demande de monnaie ne dépend pas du taux d'intérêt revient à supposer
que la vitesse de circulation de la monnaie (PY/M) est une constante.
La
vitesse de circulation de la monnaie représente la vitesse à laquelle un billet
passe d'un portefeuille à un autre. Elle est calculée en divisant la valeur nominale de la
production
(le PIB nominal) par la quantité de monnaie. MV = PY est appelée équation quantitative car elle lie la quantité de monnaie M à la valeur nominale de la production (PY). Selon cette équation, une augmentation de la quantité de monnaie dans l'économie doit se traduire par une augmentation des prix ou une augmentation de la production ou un ralentissement de la vitesse de circulation. Comme cette dernière est relativement stable. La masse monétaire
et le PIB nominal varient.
(le PIB nominal) par la quantité de monnaie. MV = PY est appelée équation quantitative car elle lie la quantité de monnaie M à la valeur nominale de la production (PY). Selon cette équation, une augmentation de la quantité de monnaie dans l'économie doit se traduire par une augmentation des prix ou une augmentation de la production ou un ralentissement de la vitesse de circulation. Comme cette dernière est relativement stable. La masse monétaire
et le PIB nominal varient.
Parce
que la vitesse est stable, les modifications de la masse monétaire se
traduisent par des modifications proportionnelles de la valeur nominale de la
production (PY). La production
de biens et services est essentiellement
fonction des facteurs de production et de la
technologie. La monnaie est
neutre, elle n'influence pas la production. La variation de la
masse monétaire se traduit donc par une variation du niveau général des prix (P).
masse monétaire se traduit donc par une variation du niveau général des prix (P).
5. La demande de monnaie chez las monétaristes :
reformulation de la TQM.
Pour FRIEDMAN
la TQM est
d’abord présentée comme une théorie de la demande
de monnaie. La TQM « n’est pas une
théorie de la production, ou de revenu monétaire,
ou du niveau général des prix […] elle est, en première instance, une théorie de la demande
de monnaie ».
ou du niveau général des prix […] elle est, en première instance, une théorie de la demande
de monnaie ».
FRIEDMAN
a présenté la demande de monnaie selon
plusieurs formulations. Il n’a retenu
qu’un petit nombre de variables explicatives : la variable
revenu permanent, directement influencée
par le patrimoine des agents. Pour
FRIEDMAN, le taux d’intérêt et l’évolution des prix ne joueraient qu’un rôle
secondaire à côté de celui tenu par le patrimoine. Le patrimoine est
évalué par le flux moyen de revenu qu’il
engendre, appelé revenu permanent.
La
fonction de demande de monnaie de FRIEDMAN ne retient comme seule variable
explicative que le revenu permanent en termes réels yp, lui-même représentatif du
patrimoine de
l’agent. L a demande de monnaie peut s’écrire :
Md = P.k.yp
Le taux
d’intérêt, auquel Keynes reconnaissait une importance cruciale dans son analyse
de la préférence pour la liquidité, est sans importance chez M. FRIEDMAN : il s’agit d’une différence majeure entre les deux formulations les plus connues de la demande de monnaie.
de la préférence pour la liquidité, est sans importance chez M. FRIEDMAN : il s’agit d’une différence majeure entre les deux formulations les plus connues de la demande de monnaie.
Pour M.
FRIEDMAN, la demande de monnaie est très stable en comparaison avec l’offre.
Celle-ci est fortement instable et déterminée de façon exogène par les
autorités monétaires. D’après cet auteur la demande de monnaie est la fonction
macro-économique la plus stable.
Cette
stabilité est due à deux caractéristiques fortes du comportement des
agents :
●
L’effet d’encaisse réelle : les agents sont supposés répondre aux
changements dans
le montant de monnaie offerte en opérant les modifications
entre les encaisses détenues
et les autres actifs, de façon à ajuster les
encaisses monétaires effectives aux encaisses désirées.
● L a
liaison entre la demande d’encaisses et le patrimoine, ensuite ; cette
demande est
sous l’influence du
patrimoine. Ce dernier est une grandeur stable. Les agents, en général,
recherchent une structure stable.
La
fonction de demande de monnaie est utilisée pour déterminer le revenu nominal.
C’est la version renouvelée de la
TQM.
Cette
version constitue la « théorie monétaire du revenu nominal ». C’est
l’interaction entre
l’offre et la demande
de monnaie qui détermine le revenu nominal. Ici, les variations
du
revenu nominal ne peuvent provenir que des variations de l’offre de monnaie.
Comme la quantité de monnaie émise est le fait des autorités monétaires
(exogène), elle est,
par nature, instable.
Le
revenu monétaire est principalement affecté à court et à long terme par les
variations nominales de la quantité nominale de monnaie. Pour les monétaristes,
c’est à long terme
que la dichotomie entre le réel et le monétaire est réaffirmée.
Donc, la longue période
permet aux monétaristes de soutenir la TQM et la relation
monnaie-prix : tout excédent de monnaie engendre à long terme une hausse
du niveau général des prix et donc de l’inflation.
Dans la
théorie classique de la politique monétaire, lorsque cette dernière fait
augmenter la production, cela tient à ce que la politique entraîne une baisse
du taux d'intérêt. La politique monétaire est inefficace en période de forte
récession car la courbe de demande
de monnaie est élastique si bien que les
fluctuations de l'offre de monnaie n'entraînent que de faibles variations des
taux d'intérêt. En plus, même de fortes variations des taux d'intérêt ne
provoquent que de faibles variations de l'investissement et donc de la demande
globale.
Ces arguments font l'objet d'un large consensus quant à l'efficacité de
la politique monétaire
en période de récession. Les monétaristes avancent
l'idée que la politique monétaire
affecte uniquement le niveau des prix. Comme
ces derniers sont flexibles, même à
court terme, un accroissement de l'offre de
la monnaie, entraîne une modification du niveau
des prix sans modification de
la production ou de l'emploi.